Gérer le temps d’écrans, limiter les accès, pour toutes les familles la question de la place des écrans dans le foyer est épineuse. Téléphone, tablettes, ordinateurs, les supports peuvent être nombreux et les sollicitations sans fin. Pendant cette année de crise sanitaire, les écrans ont pourtant pu être de véritables planches de salut pour maintenir les liens : avec l’école, l’enseignement à distance a concerné tous les enfants scolarisés ; avec la famille et les proches, anniversaire, fêtes de Pâques, aide aux devoirs, les usages n’ont pas manqué ; enfin avec l’univers professionnel, réunions à distance, entretiens vidéo… Faire un zoom est entré dans le langage commun, tout comme la notion de distanciel et présentiel...
Quel rôle donner aux écrans pour les enfants malades ?
Alors ces écrans, que faut-il en penser ? Nous avons demandé leur avis à deux professionnels, Béatrice Copper Royer psychologue clinicienne et Mickaël Sepchat, cadre de Santé au Pôle FEE CHU Estaing de Clermont-Ferrand.
Béatrice Copper Royer, psychologue clinicienne
Nous avons eu de la chance ! Privés de liens sociaux depuis plus d’un an, Covid oblige, qu’aurions nous fait, petits et grands, sans nos écrans et les multiples possibilités qu’ils nous offrent de communiquer malgré tout avec le monde extérieur ? Bien sûr rien ne remplace la chaleur d’une vraie rencontre, les activités dans « la vraie vie », mais puisque cela nous est interdit, les échanges virtuels que nous avons nous sauvent d’un isolement mortifère.
Les parents s’inquiètent pour leurs enfants et redoutent les excès. Certes, il faut les limiter et, une fois sortis de la crise, leur redonner le goût de s’adonner à d’autres activités. Mais qu’ils se réjouissent quand même : ils ont pu, malgré tout, alors que les écoles, les collèges, les lycées, étaient fermés, garder des contacts avec les autres du même âge : rire, jouer, se parler et même travailler ! Une fenêtre sur l’extérieur qui leur a permis de ne pas déprimer complètement...
Gérer le temps d’écrans, limiter les accès, pour toutes les familles la question de la place des écrans dans le foyer est épineuse. Téléphone, tablettes, ordinateurs, les supports peuvent être nombreux et les sollicitations sans fin.
On pense aux enfants hospitalisés, loin de leurs amis, de leurs frères et soeurs, interdits de visite, et on se dit que pour eux aussi, pour eux surtout, les écrans ont été, et restent encore, un recours précieux. Ils les projettent au-delà des murs de l’hôpital, de la solitude de leur chambre, et leur font oublier un moment les contraintes et l’angoisse de la maladie. Eux, à qui l’on demande d’être si grands, si responsables, ils leur permettent de rester des enfants, qui comme les autres, jouent en ligne aux jeux vidéos avec leurs copains, échangent sur Instagram ou sur TikTok, et peuvent même parfois être en classe avec les autres !
Mickaël Sepchat, cadre de Santé au Pôle FEE CHU Estaing de Clermont-Ferrand
Dans notre service de consultation pédiatrique, la tablette n’est pas privilégiée. Elle reste bien sûr un outil numérique intéressant qui répond à certains besoins mais
elle n’est qu’une alternative parmi d’autres, dont l’usage doit rester raisonné et surtout pas unique. Notre priorité est toujours de privilégier les rapports humains.
En effet « l’interactivité » d’une tablette est factice, il ne s’agit pas d’interactivité. La tablette ne réagit pas, elle obéit !
À notre sens, elle ne stimule pas tellement la créativité et l’imaginaire de l’enfant. Souvent utilisée comme un écran de télévision, l’enfant devient un récepteur passif, il n’est plus incité à bouger de son lit, alors même que le mouvement est nécessaire et recommandé. De plus, la tablette est totalement dépourvue d’affectif, un enfant laissé avec une tablette ne pourra pas se confier comme il pourrait le faire à l’occasion d’un jeu avec un humain. Il ne faudrait pas que les enfants, sous prétexte que l’outil est autonome, se retrouvent livrés à eux-mêmes.
C’est toujours le contact humain qui doit être notre première préoccupation. D’autant qu’on le sait, et c’est bien confirmé par la crise Covid, les enfants tout comme les adolescents, même hyper connectés, sont plus vulnérables face à la dépression ou l’anorexie s’ils sont privés de contacts réels.