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Faire de son handicap une force ?

Faire de son handicap une force ?

Au bout du tunnel il y a la vie.

Certaines maladies laissent des traces, les cheveux tombent, des cicatrices s’affichent… parfois elles s’estompent avec le temps et parfois elles restent. Comment affronter le regard des autres, que disent ces marques de la personne ?

ÉLISE, AMPUTÉE D’UNE JAMBE, VOULAIT FAIRE UN SHOOTING DE MODE ET RENCONTRER JEAN-PAUL GAULTIER LE PREMIER COUTURIER À AVOIR MIS EN VALEUR DES BEAUTÉS DIFFÉRENTES.

Durant ma maladie et surtout après mon amputation je me suis aperçue que le regard des autres pouvait être différent et parfois pesant comme si on était devenu quelqu’un d’autre. J’ai très envie que « mon aventure » puisse donner de l’espoir aux autres enfants dans la même situation que la mienne…

Ce courrier qu’Élise a envoyé à l’Association pour expliquer son rêve révélait une grande maturité, mais surtout une force étonnante. Cette jeune fille a décidé que son handicap ne la freinerait pas, qu’elle aurait la même vie que tout le monde, avec certes des particularités. Élise a la volonté de transmettre sa force, son énergie et son optimisme pour aider, accompagner et encourager tous les autres enfants qui traversent ce même parcours de vie. Elle n’a pas peur des mots et parle franchement de son amputation parfois même avec une bonne pointe d’humour voire d’autodérision !

Tout est possible, ce n’est la fin de rien

Je suis une jeune fille comme les autres avec mes particularités, je mène la vie normale d’une lycéenne de 16 ans. À l’annonce de mon amputation, j’ai bien sûr pleuré. Après l’annonce de la maladie ça faisait beaucoup ! Mais dès le lendemain je me suis reprise et j’ai fait des recherches. Je me suis alors rendue compte que tout était possible et que ce n’était la fin de rien, mais bien le début d’autre chose.

Cette épreuve m’a permis de me rendre compte que j’étais forte et que j’avais confiance en moi. Je me suis découvert un bon sens de l’humour et de la répartie ! Au fond, le vrai problème, c’est la bêtise ou l’ignorance mais on ne le stigmatise pas autant. Certains ne se sont pas gênés pour dire à ma mère : "ce n’est pas grave, elle mettra des pantalons !" ou encore "Quelle horreur sa vie est gâchée"… Aujourd’hui je veux donner l’exemple, j’aimerais montrer à tous que la beauté ne tient pas à des cheveux ou à 2 jambes, qu’handicapé ne veut pas dire laid ou diminué, que malade ne veut pas dire triste.

Malika Mezloy Destracque

 

LE REGARD DE MALIKA MEZLOY-DESTRACQUE, PSYCHOLOGUE
Service d’oncologie pédiatrique - CHU de Nancy – Hôpital d’enfants

«(...) ce n’est pas parce qu’elle avait été amputée de la jambe qu’elle allait arrêter d’être une enfant.»

Plus fort que l’adversité

Le témoignage touchant d’Elise me fait penser à une patiente amputée à l’âge de 5 ans que j’ai accompagnée. Elle est d’une résilience phénoménale. Elle a décidé que ce n’est pas parce qu’elle avait été amputée de la jambe qu’elle allait arrêter d’être une enfant. Puis elle est devenue infirmière, elle conduit. Cet amour de la vie, on parle de « pulsion de vie », vient signifier que la vie est plus forte que l’adversité. Ce n’est pas parce qu’elle est amputée de sa jambe qu’elle est amputée de toute sa vie.

L’adolescence en elle-même est une phase du développement délicate. Il faut trouver ses repères, qui on est, qui on veut être dans une société donnée et quand effectivement cette étape de la vie vient être complexifiée par le cancer et ses séquelles, c’est encore plus violent. Cela contraint l’adolescent à un travail de réaménagement psychique important. Nous savons bien que ce travail de guérison psychique peut prendre plus de temps que la guérison somatique. Cette temporalité ne se maitrise pas. Tout comme la parole ne se prescrit pas au prétexte d’aller mieux. Parler peut aussi fragiliser. Lorsque l’adolescent est prêt à élaborer ce temps de vie il sollicite plus ou moins directement son entourage, sa famille, ses pair(e)s, l’équipe soignante, psychologue compris. D’où l’importance de garder le lien, de faire preuve de patience.

Il faut être attentif au regard que chacun des patients va porter sur sa propre histoire et comment il va parvenir à intégrer la maladie comme une étape dans son parcours de vie qui ne conditionnera pas nécessairement tout le reste. Les patients nous le disent : « je ne suis pas réductible au cancer ! ». Cela suppose entre autre de sortir de la question redoutable du « pourquoi moi ! » qui peut entraver, figer parce qu’elle n’a pas de réponse dans la grande majorité des cas.

Être en paix avec son propre corps, avoir une relation pacifiée avec lui, c’est ce qui va aider l’enfant ou l’adolescent à se protéger du regard des autres qui peut parfois être déstabilisant, intrusif.

Nous avons pu observer que ce travail psychique n’est pas directement lié à l’importance des séquelles. Un patient amputé peut développer de belles ressources adaptatives alors qu’un autre patient voudra à tout prix faire disparaitre la cicatrice laissée par la chambre implantable. Cicatrice vécue comme un stigmate insupportable de la maladie. On voit bien que chaque patient essaie de faire avec ce vécu-là, tâcher de continuer de donner du sens à sa vie et de l’aimer malgré tout.

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